samedi 22 mars 2008

Mieux vaut être mal accompagné que seul, il dit M. Kido

(Extrait de mon journal intime, daté du 4 avril 1988)


Cher journal,

J’espère que tu vas bien. Moi ça va.

Depuis peu, je suis amené à faire équipe avec d’autres jeunes en contrat d’avenir, recrutés sur des postes de « compagnons d’armes » (26 heures hebdo : 14 de combats, 14 de secrétariat) (c’est M. Kido lui-même qui a fait la répartition). Je les aimais bien au début parce que c’était le début et qu’ils étaient tous différents (de couleur de cheveux, au moins), mais petit à petit, je m’entends de moins en moins avec eux, parce qu’ils me laissent tout faire et qu’ils tirent toujours la couverture à eux, surtout quand on dort dans le même lit.

Je vais quand même te les présenter, parce que c’est important. Ça me servira de témoignage si je porte un jour plainte contre eux aux Prud’hommes :


Shiryu (chevalier du dragon) :



M. Kido nous l’a présenté comme « le cerveau du groupe », en ajoutant (un peu ironiquement, je crois) « que lui, au moins, se sert de sa tête pour autre chose que pour casser des vieux murs de vieux temples grecs ou des dents d’adversaires récalcitrants », ce qui « donne au dit groupe une dimension intellectuelle inédite ». Je n’ai jamais vraiment su ce qu’il entendait par là, mais de toute façon, je ne vois pas trop le rapport entre avoir un cerveau et atteindre le septième sens. Au contraire. A l’entendre (et malgré les protestations de Shun), Shiryu, c’est clairement « l’homme de goût » (sic) de l’équipe : tout ça parce qu’après deux-trois combats rondement menés, Môssieur a décrété que le graphisme des adversaires était « une insulte à son sens de l’esthétique », se crevant illico les yeux pour le plus avoir à le supporter (et comme on le comprend !). Du coup, depuis, cet espèce d’enf… n’a plus aucun problème pour se garer (mais pour conduire, un peu, quand même), parce qu’il est prioritaire sur les places de parking.


Quand il ne squatte pas à l’agence, Shiryu, il vit dans des montagnes toutes rondes, avec un vieux tout mauve qui prétend être un ancien chevalier d’or (mdr : il tient largement en entier dans un casque, le nabot !), et avec sa petite amie Chunraye. Enfin, sa petite amie, ça, c’est nous qui le disons parce que lui, il prétend "qu’il ne peut pas la voir". Ceci étant, on lui a fait remarquer que c’était peut-être une conséquence logique de son initiative oculaire à base d’index dans la rétine plutôt qu’une question d’absence d’affinités, mais il n’en démord pas, parce que « les filles, c’est pas sérieux » (c’est effectivement plus sérieux – et utile – de passer ses journées à essayer de faire couler une rivière à l’envers...).


Sa grande passion, avec le colin maillard : finir les combats torse nus pour faire admirer son tatouage à tout le monde alors que tout le monde s’en fiche (à part Shun). Il se serait fait tatouer un bœuf Strogonoff, encore, je dis pas, ça aurait pu mettre en appétit, donner du cœur au ventre, mais un dragon, franchement… Bonjour l’originalité. Pourquoi pas une tête de mort, tant qu’il y était (ou un « la maman de Hyoga forever ? ») ? !… Du coup, il a de la chance d’avoir gagné l’armure dudit dragon, parce qu’il aurait eu l’air fin, s’il avait eu celle de la Marmotte Alpine (ou d’Ursa Pelucosa, la grand ourse en peluche). Par conséquent, le budget « chemise » en prend un coup à chaque fois. Résultat, nous autres, on est obligé de porter toujours les mêmes fringues démodées (on les a quand même achetées au début des années 80, en pleine fièvre disco !). Du coup, on peut pas les laver. Jamais. D’ailleurs, après deux ou trois ans, ça protège mieux que ces bidules en plastoc qu’on est forcé de porter (pour l’image de la boite, dit M. Kido) (« il faut qu’on soit immédiatement identifiables pour le public », qu’il affirme. Mais vu où nos yeux sont placés dans nos visages, on n’a pas besoin de porter nos armures en barils de skip pour ça, franchement…).


Hyoga (chevalier du cygne) :



Lui, c’est le candide du groupe. On l’invite à chaque dîner de con (enfin, quand Shun n’est pas libre...). Il vit sur la banquise, avec les pingouins et les morses, avec qui il s’entend très bien. Il aime beaucoup sa maman, qui vit dans un très grand et beau bateau de plaisance, qui a pour originalité d’être amarré SOUS l’eau (comme ça, il encombre pas le port, il parait). Mais bon, déjà, son « bateau », là, on se demande où elle l’a dégotté (une offre internet « immanquable », sans doute), parce que des bateaux comme ça, on n’en fait plus depuis le XVIIème siècle : c’est peut-être un bon moyen de faire des économies, mais au bout du compte, c’est quand même très statique, comme moyen de transport. Humide. Et puis il faut être doué en apné. Du coup, ça fait beaucoup de contraintes, surtout sachant qu’en tant que maman de chevalier, elle a droit à des réducs sur les cartoranges… Vraiment pas futés, dans la famille. « La maman de Hyoga, c’est la plus belle maman du monde », c’est lui qui le dit. Elle passe son temps à dormir, comme la belle au bois dormant, mais il faut croire que ça conserve pas mal parce qu’on dirait qu’elle a le même âge que son fils, alors pour que l’autre emplumés dépasse son complexe d’Œdipe, ça n’aide pas beaucoup. D’ailleurs, à force qu’elle dorme, nous autres, on commence à se demander si elle ne serait pas… Euh, enfin… Vous voyez, quoi… Si elle n’a pas pris un peu d’avance sur la saga Hadès… Mais on n’ose pas lui dire. Il comprendrait pas de toute façon. Il est pas équipé pour.

Il va souvent lui rendre visite, et lui amener des roses qu’il fait sûrement pousser sur un petit coin de banquise à l’écart (c’est un chevalier du zodiaque, il peut briser les étoiles d’un coup de poing, alors, faire pousser des roses rouges dans le grand nord, vous pensez bien que c’est de la galette), et pour ça, on l’admire, de plonger en tee-shirt dans de l’eau à – 10, jusqu’à deux kilomètres de profondeur, juste pour aller voir sa maman, surtout quand il lui serait tellement simple de la remonter une bonne fois pour toutes à la surface, quitte à la conserver ensuite dans le bac à glaçon d’un congélateur américain, si c’est son truc (enfin, nous c’qu’on en dit, c’est pour lui, hein). Son grand trip à lui, Hyoga, c’est de se balader (toujours en tee-shirt) sur la banquise, il dit qu’il a même pas froid, que c’est vivifiant et qu’on est des petits joueurs, mais il faut dire aussi qu’il porte des drôles d’après-ski orange en peau de Winnie l’ourson, ce qui doit le réchauffer quand même un peu, ce sale tricheur. En plus, pour rétablir la circulation du sang dans ses membres, dès qu’il veut lancer une attaque, il est obligé de les agiter bizarrement, comme s’il dansait sur un clip de Lorie, alors je suis pas sûr qu’il gagne au change en crédibilité. Mais du moment que ça l’amuse.

Autre problème du bonhomme : il est très très influençable. Pour preuve : il a suffit que Shiryu se crève les yeux pour que monsieur veuille faire pareil. Résultat, il est borgne, maintenant. De l’œil du milieu de la joue. Résultat bis, vu que l’autre est en plein front, il regarde tout le temps tout le monde de haut. Et ça, de sa part, c’est très agaçant.

Enfin : depuis qu’il a découvert le rayon surgelé du géant Casino, il est convaincu que son papa, c’est le capitaine Igloo…

Génétiquement, ça expliquerait effectivement bien des choses.



Ikki (chevalier du Phénix) (des hôtes de ses bois, lol) (oui, j’ai de l’humour, vous vous en rendrez vite compte) (« l’humour, c’est la politesse du désespoir », il dit, M. Kido) (« et le désespoir, c’est le quotidien du chevalier du zodiaque », je dis, moi) :




Ikki, c’est le caractériel du groupe. Il refuse d’admettre qu’il est dépressif mais il voit tout en noir et il nous déteste tous. Il a même fait équipe avec des nous en noir, c’est pour dire s’il est négatif (une belle bande de bras cassés, eux, aussi) (surtout après qu’on s’en soit occupé). En contrepartie, il n’a pas trop de préjugés, parce que ça ne l’a pas dérangé, qu’ils soient tous si mal animés... C’est toujours ça. Par contre, il faut faire très attention, avec lui. Dès qu’il est contrarié, soit il tue tout le monde, soit il prend le ferry avec sa cartorange pour retourner bouder dans son volcan et on le revoit plus pendant plusieurs semaines. Parce que oui, Ikki, lui, il vit dans un volcan. C’est peut être idiot, mais c’est son choix. Il y passe ses journées entières, immobile, les yeux fermés, assis sur un gros rocher en forme de rocher (il refuse de meubler : ça lui fait une bonne excuse pour jamais nous inviter chez lui),comme ça, sans quitter son armure. Il dit que ça le détend, et qu’au moins, là, il identifie clairement ce qui « le fait suer ». Et après, il prétend qu’il est pas dépressif… (Remarquez, c’est le seul chevalier qui s’est fait refourguer une attaque touchant directement le cerveau de ses adversaires. Or, la réalité du métier étant ce qu’elle est, cette attaque ne lui sert jamais à rien. Du coup, on peut comprendre qu’il ait les nerfs). On le charrie souvent, on le houspille un peu, genre « allez, Ikki, c’est quand que tu nous organise un barbecue, là, sur ton île ? ! Avec ton copain, tu sais… Albérich de MERGEZ ! !! !! » (hurlements de rire) (je vous avais prévenu, que j’avais de l’humour). Mais lui, ça ne l’amuse pas, alors il retourne faire du boudin dans son volcan et on lui crie alors« nooooon, Ikki ! Pas-du-bou-din ! Un bar-be-cue ! ». Vous voyez le genre.

Au départ, c’était lui qui devait aller s’entraîner sur l’île d’Andromède, mais il a échangé les rôles avec Shun et c’est dommage pour nous : ça nous aurait bien fait marrer, nous autres, de le voir porter une armure rose bonbon avec de la poitrine (bonjour la crédibilité !). Difficile de se donner des airs sombres, dans ces conditions !


Shun (chevalier d’Andromède) :

(Sur la photo, il a juste essayé de se raser)


Lui, c’est notre petit stagiaire. C’est pas vraiment un vrai chevalier, mais M. Kido, il insiste vraiment pour qu’on l’inclue au groupe quand même. Il veut pas qu’on le laisse à l’écart (pourtant, c’est ce qu’il fait de mieux). On a bien fait remarquer qu’il servait absolument à rien et que c’était plus un boulet qu’autre chose, mais M. Kido, il prétend que c’est le plus puissant d’entre nous, et que sa force est bien cachée (je confirme !), cependant je crois qu’il se paie notre tête (et pas seulement parce que c’est lui qui nous verse notre salaire à la fin du mois). M. Kido, il dit aussi que Shun, on en a besoin parce qu’il faut au moins un représentant d’une « minorité sociale » pour que les faux-frais de l’agence soient déductibles des impôts. Mais il ne réalise pas qu’en Grèce, Shun, c’est une écrasante majorité, qu’il représente (!), et qu’en plus, avec un aveugle ayant une forte tendance à l’auto-mutilation, un borgne schizoïde et un dépressif bipolaire, des représentants des minorités sociales, on en a plus qu’il n’en faut… Quand on l’interroge directement, Shun, lui, il dit qu’il est un « élément dramatique indispensable, qui permet de mesurer pleinement la gravité d’une situation en montrant à quel point l’adversaire, il est puissant », mais si c’est bien le cas, alors qu’il reste avec Jabu et les autres, vu qu’ils jouent le même rôle (punching-ball, c’est dans leur profil de poste). Du coup, on se contente de l’envoyer poster le courrier sur son scooter tout neuf (et il revient quand même en sang une fois sur deux) (l’autre fois sur deux, il revient pas, on est obligé d’aller le chercher).

La vérité (et c’est une théorie tout à fait personnelle), c’est qu’on le garde que parce que c’est le seul moyen de faire sortir Ikki de son volcan. Parce que oui, au fait, Ikki, c’est le grand frère de Shun. Alors dès que Shun est en danger et qu’il crie « Ikkiiiii, vient me sauver » (c'est-à-dire, dès qu’il est confronté à une difficulté de type « bocal de cornichons à ouvrir »), Ikki, il reprend le ferry et il vient « le sauver » (c’est ce qu’on dit dans nos conférences de presse, mais en réalité, c’est – dixit – qu’en tant que grand frère, il considère que c’est à lui que revient le jubilatoire privilège de « crever cette andouille », ce qu’il se réserve pour égayer ses vieux jours)…

Oh, et au fait, pour vous, ce n’est peut-être qu’un détail mais Shun porte un tee-shirt vert assorti à ses cheveux verts ainsi qu’une salopette à brettelles toute blanche. Ce qui en dit long sur le personnage.


Cher journal, ce sont là mes amis. Mes compagnons d’armes. Ceux dont ma vie dépend.

Au secours.

Je veux démissionner.

Aucun commentaire: